CHEILITES
(cheilitis, lip licking, atopic cheilitis, contact cheilitis, lupus erythematosus, actinic cheilitis, solar cheilitis, actinic keratosis of lip)

La cheilite est l'inflammation des lèvres, la perlèche est un intertrigo de la commisure labiale (cheilite angulaire) (1,2).
Les diagnostics et facteurs étiologiques sont détaillés à droite de chaque cas.
Sommaire...


N°1 : enfant de 10 ans, sans antécédent.
Evolution chronique depuis 5 mois.
R : cheilite par tic de léchage. Une impétiginisation peut survenir.
Chez le grand enfant, la prise de conscience du facteur d'entretien de la cheilite (salive) est plus facile à obtenir.
Traitement : les émollients appliqués plusieurs fois par jour permettent de couper l'inconfort qui pérénnise le cercle vicieux "sensation de sécheresse labiale - léchage - dermite d'irritation salivaire".


N° 2: enfant de 2 ans, sans antécedent. Evolution depuis près de 6 mois. Echec d'un traitement par cold cream, crème à l'acide fusidique DCI à 2%. Cavité buccale normale.
R : cheilite irritative à la salive liée à la tétine, la succion permanente dans la journée est source d'humidité indésirable sur la lèvre blanche. Une surinfection candidosique et/ou bactérienne peut survenir. La possibilité d'un eczéma de contact aux topiques utilisés doit aussi être envisagée. Traitement : un seul, suppression de la tétine. Il faut bannir les émollients gras ou les pommades.


N° 3 : femme de 19 ans. Antécédent de rhinite allergique, évolution chronique depuis plus de 3 ans. Prurit faible à nul. Cavité buccale normale.
R : chéilite atopique. Eliminer les facteurs irritatifs locaux et les allergènes identifiés par les épidermotests (alimentaires, cosmétiques...). La base du traitement est l'application pluri-quotidienne d'émollients; au stade aigu, utiliser en priorité des dermocorticoïdes de puissance moyenne (classe III).

 


N° 4 : femme de 45 ans, sans antécédent atopique. Se plaint de "lèvres sèches" toute l'année, a cherché à se soigner mais brutalement, apparition d'un prurit important, d'un oedème des lévres avec vésicules. Cavité buccale normale.
R : cheilite aigue par eczéma de contact, suspecté par le début brutal, le prurit majeur et les vésicules (pas toujours faciles à voir). L'enquète et les épidermotests prouvent la responsabilité d'une crème cicatrisante contenant des huiles essentielles de géranium et de lavande. Guérison avec l'éviction et un dermocorticoïde de classe III. Voir les allergènes des cheilites de contact : Tableau 1.


 

 


N° 5 : enfant de 9 ans. Apparition 3 mois auparavant, asymptomatique. Fixité des lésions. Cavité buccale normale. Vous notez des plaques érythémato-squameuses bien limitées aux membres inférieurs et en région lombaire .
R : cheilite psoriasique.
Le diagnostic est facilité par la présence associée de plaques typiques sur le reste de la peau, il est plus difficile en cas de cheilite isolée. En faveur de ce diagnostic : lésions bien limitées, absence de prurit, ni de vésicules, ni de tic de léchage (qui peut aggraver le psoriasis par effet Koebner). Les émollients ont une place primordiale dans cette localisation.


N° 6: femme de 30 ans, bon état général, aucun antécédent médico-chirurgical. Apparition de cette plaque asymptomatique il y a quelques mois, durant le mois de septembre. Trois lésions comparables sont retrouvées à l'arête nasale et au front. Erosion gingivale chronique supérieure et inférieure, en regard des collets dentaires. Le reste du tégument est normal, absence d'autre signe fonctionnel.
R : lupus érythémateux chronique (discoïde).
Le diagnostic différentiel avec le lichen plan peut être difficile.


N° 7 : homme de 70 ans, fumeur. Lésions croûteuses chroniques de la lèvre inférieure, évolution vers des érosions.
R : cheilite actinique chronique. La lèvre inférieure est la plus photoexposée. Plaques de leucoplasie, d'hyperkératoses. L'infiltration et/ou  l'ulcération nécessitent une biopsie, pour éliminer une transformation en carcinome épidermoïde.


(C) E. PIERARD
http://dermatologie.free.fr

 

 

Tableau 1 :  Sources des allergènes et agents irritants responsables de cheilites de contact (d'après [1,3,4,5]).
 

Sources

Allergènes  / commentaire

rouge à lèvres

parfums, colorants, conservateurs

crèmes et sticks labiaux

parfums, colorants, conservateurs, excipients : baume du Pérou, lanoline, colophane, propolis, propylène glycol, octyl gallate ...
écrans solaires (oxybenzone), extraits de plantes (huiles essentielles), huile de castor

médicaments topiques

antiviraux (voir cas n°136), antibiotiques, antiseptiques

- objets portés à la bouche

- vernis à ongles

- ex : embout de stylo (nickel), barette de cheveux en métal, instrument de musique à vent (nickel, bois)
- résines et durcisseurs (toluène sulfonamide formaldéhyde), colophane

dentifrice

aromes, menthe (5), conservateurs, sodium lauryl sulfate, pyrophosphates (irritants)

chewing-gum

colophane

- solutions pour bains de bouche
- produits d'hygiène pour prothèse dentaire

 
- potassium persulfate, ammonium persulfate (
4)

matériaux des prothèses dentaires

 

aliments

épices parfumées (cannelle...), menthe, glaces, bonbons, agrumes (eczéma, irritation, phototoxicité), mangue, artichaut, asperge. Chéilite chronique squameuse avec prick tests positifs pour la moutarde, carotte, la noisette; guérison après éviction (3 patients) (6)





Références :
(1) Champion RH, Burton JL, Burns DA, et al: Textbook of Dermatology. Boston, Mass: Blackwell; 1998: chap.70, The lips.
(2) R. Kuffer et C. Husson « Chéilites superficielles et perlèche », Ann Dermatol Vénéréol, 2000;127:88-92.
(3) Guide introductif à la batterie standard européenne des tests épicutanés et à ses ajouts, D.TENNSTEDT, M-C. JACOBS, J-M. LACHAPELLE, GERDA, 1996, Médiscript Ed. F-54123 VITERNE.
(4) Le Coz CJ, Bezard M. Allergic contact cheilitis due to effervescent dental cleanser: combined responsibilities of the allergen persulfate and prosthesis porosity. Contact Dermatitis 1999 Nov;41(5):268-71. [résumé MEDLINE]
(5) Francalanci S, Sertoli A, Giorgini S, Pigatto P, Santucci B, Valsecchi R. Multicentre study of allergic contact cheilitis from toothpastes.Contact Dermatitis 2000 Oct;43(4):216-22. [résumé MEDLINE]
(6) A. Barbaud, C. Vernassiere, J. Schmutz Chéilite chronique : penser à la dermite de contact aux protéines alimentaires. Poster n°5 JDP 2006.







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Date : 03/03/2003.